Article: Briser les barrières du cancer : Shine et son engagement pour les jeunes adultes avec Ceinwen Giles

Briser les barrières du cancer : Shine et son engagement pour les jeunes adultes avec Ceinwen Giles
Bien que le cancer puisse toucher des personnes de tous âges, les défis uniques auxquels sont confrontés les jeunes adultes restent souvent ignorés par les associations de soutien traditionnelles. Entre jongler avec une carrière naissante, maintenir des relations personnelles et affronter des problèmes financiers liés aux traitements coûteux parfois non pris en charge, les jeunes patients atteints de cancer font face à des besoins spécifiques et complexes qui ne trouvent pas toujours de réponses adaptées. Ces lacunes rendent encore plus essentiel le rôle des organisations dédiées à cette tranche d’âge, telles que Shine Cancer Support, qui se consacre à leur offrir un soutien ciblé et un espace pour se connecter à d’autres dans des situations similaires.
Shine est la seule organisation caritative au Royaume-Uni dédiée au soutien des adultes âgés de 20 à 40 ans diagnostiqués avec un cancer. Fondée par Emma Willis et Ceinwen Giles, elles-mêmes confrontées à un diagnostic de cancer à un jeune âge, l’association est née de leur difficulté à trouver un soutien adapté. Leur volonté commune de créer l’aide qu’elles auraient aimé recevoir a donné naissance à cette initiative unique.
Dans cette interview, Ceinwen Giles, co-directrice de Shine, revient sur le parcours de l’association, les initiatives uniques mises en place pour soutenir sa communauté et les projets ambitieux qui façonnent son avenir.
1. Pouvez-vous nous expliquer comment Shine est passée d’une petite initiative à une organisation nationale ?
À ses débuts, Shine n’était qu’une petite initiative. Emma, ma cofondatrice, et moi-même avions chacune un emploi, et nous n’avions pas prévu de créer une association. Tout a commencé simplement par des rencontres autour d’un café, car nous nous sentions isolées et cherchions à échanger avec d’autres personnes vivant des expériences similaires. Peu à peu, l’idée a pris de l’ampleur, et nous avons réalisé qu’il existait un besoin réel et un véritable potentiel pour développer un projet plus ambitieux.
En 2016, nous avons décidé de nous consacrer pleinement à Shine. Cette année-là, nous avons également recruté notre premier employé. Depuis, notre équipe s’est agrandie et compte désormais huit membres. Nous collaborons également étroitement avec un large réseau de freelances et d’associations partenaires, ce qui a considérablement amplifié notre impact.
Ce qui a commencé modestement à Londres et dans le Dorset s’est transformé en un réseau de 17 groupes répartis à travers le pays, en partenariat étroit avec des professionnels de santé.
Emma et moi apportons des compétences complémentaires à Shine. Elle gère les opérations, en supervisant les finances, les politiques et les systèmes informatiques, tandis que je m’occupe des financements et de la coordination des programmes de soutien. Mon expérience internationale, notamment avec des organisations comme l’ONU, où je pilotais de grands projets d’aide, a été un atout précieux pour structurer et faire grandir Shine.
Ensemble, nous avons pu transformer une petite initiative locale en une organisation nationale au service des jeunes adultes atteints de cancer.
2. Selon vous, en quoi le soutien nécessaire aux personnes de 20 à 40 ans diffère-t-il de celui des plus jeunes ou des plus âgés ? Pourquoi est-il essentiel d’avoir une organisation dédiée à cette tranche d’âge ?
Les adultes de 20 à 40 ans sont souvent perçus comme autosuffisants : ils travaillent, gèrent leur vie et l’on attend d’eux qu’ils fassent face aux difficultés seuls. En conséquence, de nombreuses initiatives existent pour les personnes âgées, le cancer étant souvent associé à l'âge avancé. De même, un soutien considérable est proposé aux enfants, car il est naturel de vouloir les protéger de la souffrance.
Cependant, il existe un véritable vide pour les 20-40 ans, alors même que les études montrent une forte augmentation des diagnostics de cancer chez les 25-49 ans.
Il est donc crucial de se concentrer sur cette tranche d’âge, car ces individus sont souvent en train de fonder une famille et se trouvent au sommet de leur potentiel de rémunération. Un diagnostic de cancer à ce stade peut avoir des conséquences majeures, affectant à la fois leur carrière et leur stabilité financière à long terme. En revanche, pour une personne déjà retraitée, l'impact est souvent moins profond et durable.
3. Au cœur de Shine, il y a la communauté, les liens et la connexion. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos programmes d'événements ?
Nous organisons des rencontres en personne dans tout le pays grâce à nos réseaux. Ces événements permettent aux participants de se retrouver et de profiter d’activités comme des cafés-rencontres, du bowling ou même des activités plus insolites, comme le lancer de hache – un groupe l’a fait dimanche dernier ! L’essentiel est que ces événements soient animés par de jeunes adultes atteints de cancer, leur offrant ainsi la liberté de choisir les activités qu'ils souhaitent organiser.
Ces rencontres sont avant tout sociales, non cliniques : il n'y a ni infirmières, ni ambiance hospitalière, juste des individus qui se retrouvent dans un cadre détendu et solidaire.
En plus des rencontres en personne, nous proposons plusieurs programmes en ligne, adaptés à différents groupes d’âge. Chaque programme dure six semaines, avec des sessions de deux heures par semaine. Ces programmes offrent un espace où les participants peuvent réfléchir sur leur diagnostic et leur parcours, tout en créant des liens avec d’autres personnes vivant des expériences similaires.
Nous animons un podcast, partageons des témoignages personnels sur notre site internet et organisons une conférence annuelle.
Un autre événement phare pour nous est notre séjour annuel en camping, qui permet aux participants de se retrouver et de renforcer les liens dans un cadre convivial et détendu.
Pour financer toutes ces initiatives, nous dépendons de collectes de fonds, car nous ne recevons aucun financement gouvernemental.
4. Le cancer est souvent accompagné d'une stigmatisation, ce qui rend difficile pour les personnes concernées de parler ouvertement de leur expérience. Selon vous, que peut-on faire, tant individuellement que collectivement, pour briser ces barrières ?
Il existe souvent cette idée que le cancer est une condamnation à mort, ce qui génère une peur accablante. Pourtant, les traitements ont fait d'énormes progrès, et de nombreuses personnes survivent au cancer ou vivent avec pendant longtemps. Il est essentiel de considérer le cancer comme une maladie qui peut toucher n'importe qui, et non pas comme une sentence de mort irrévocable.
Il y a également une stigmatisation autour du cancer, avec des questions telles que : "Avez-vous fait quelque chose pour provoquer cela ? Étiez-vous fumeur ? En surpoids ?" Ces interrogations peuvent être particulièrement difficiles pour les plus jeunes, pour qui ces facteurs n'ont souvent pas eu le temps d'intervenir.
Dans certaines communautés, le cancer et la maladie en général sont des sujets tabous, ce qui complique encore plus la parole des personnes concernées. C'est pourquoi il est crucial d'ouvrir ces conversations. Le cancer ne doit pas être perçu comme une malédiction ou une punition, mais comme une maladie qui peut toucher n'importe qui, à l'instar du diabète ou de l'hypertension.
Nous devons aussi être plus ouverts sur le fait que, dans de nombreux cas, le cancer est traitable.
En ce qui concerne nos programmes, nous proposons des sessions spécifiquement dédiées aux familles. L'un de nos programmes en ligne, "Plus Ones Circles", est conçu pour les partenaires de personnes vivant avec un diagnostic incurable. Cependant, "incurable" ne signifie pas nécessairement une espérance de vie courte, mais plutôt vivre avec le cancer sur le long terme.
De plus, lors de notre séjour annuel en camping l'été, nous invitons les familles, y compris les enfants, à se joindre à nous. C'est une occasion exceptionnelle pour toutes les générations de rencontrer d'autres personnes qui traversent des situations similaires, ce qui crée un véritable esprit de solidarité.
5. Enfin, comment envisagez-vous l'évolution de Shine dans les années à venir, et y a-t-il des projets ou des développements excitants à l'horizon ?
Nous prévoyons d’organiser une retraite d’une nuit dans le nord de l'Angleterre en mai prochain, un format que nous connaissons bien, ayant auparavant organisé des retraites en personne de trois jours et demi avant la pandémie.
Nous sommes également impatients de partager les résultats d'une enquête que nous avons menée, la première enquête nationale au Royaume-Uni sur les jeunes adultes atteints de cancer. Cette étude explore les priorités de ce groupe, et nous prévoyons de diffuser les résultats début mars. Elle a nécessité plusieurs mois de travail, et nous avons eu la chance de collaborer avec un cabinet d’études de marché. Nous sommes certains que ces résultats fourniront des informations précieuses.