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Article: Rencontre avec Claire Vimont, créatrice des jeux Sexploration

Rencontre avec Claire Vimont, créatrice des jeux Sexploration

Rencontre avec Claire Vimont, créatrice des jeux Sexploration

C'est avec sa personnalité énergique et beaucoup d'engagement, que Claire Vimont s'est attaquée au sujet de l'éducation sexuelle. Cette graphiste nantaise est à l'initiative des jeux Sexploration, véritables best-sellers chez Topla.

Juste un petit rappel, selon l'Ifop, près d’un ado sur deux (45%) estime que les vidéos pornographiques qu’il a vues au cours de sa vie ont participé à l’apprentissage de sa sexualité. Nous avons donc décidé de rencontrer Claire pour revenir avec elle sur cet enjeu de société pour nos ados et voir comment elle a créé ce bel outil de prévention qu'est Sexploration.

Qu’est-ce qui a initialement motivé la création de ces cinq jeux ?

Claire Vimont : C’est venu d’un constat (dans ma vie personnelle avec mes partenaires, ma famille ou mes amis) qu’il y avait un gros manque d’information sur les questions de la sexualité. Je me suis rendu compte que j’étais beaucoup informée sur les IST (infections sexuellement transmissibles), la contraception, les orientations sexuelles et les identités de genre… Et au final, je me suis demandé pourquoi c’était à moi de faire cette pédagogie et pourquoi j’étais plus au courant que les autres sur cette thématique. En faisant des recherches, j’ai réalisé qu’il y avait trop peu d’outils et de budget consacrés à l'éducation à la sexualité, en France. Donc l’idée avec ces jeux était d’avoir un support ludique qui puisse être utilisé pour libérer la parole et qui donne des informations fiables. Les jeunes parlent beaucoup de sexualité mais ils la découvrent souvent à travers la pornographie, les propos des amis ou internet et beaucoup de bêtises circulent de ce fait.

Comment avez-vous élaboré le jeu ? De quels professionnel vous êtes-vous entourée ?

Dans un premier temps, je suis allée voir ce qui existait, notamment dans un centre régional de l’IREPS (Instance Régionale d’Éducation et de Promotion de la Santé). Ils avaient une ludothèque-bibliothèque avec plein d’outils de prévention et tout un rayon d’éducation à la sexualité. J’ai noté ce que je voulais améliorer en termes de graphisme et aussi afin que tout le monde se sente inclus quels ce soient son orientation sexuelle, son identité de genre, ses origines, son âge.

Ensuite, j’ai rencontré une association qui fait de la prévention à Nantes, « SIS animation », et je leur ai demandé de m’expliquer comment ils procédaient. Ils ont pris le temps de me montrer leurs outils et j’ai pu voir comment ça se passait sur le terrain. J’ai alors fait des prototypes que j’ai fait tester par cette association. Puis j’ai entamé ma collaboration avec Topla : on a testé les jeux avec des jeunes de collège et lycée. On a tout fait relire par le planning familial et par des médecins aussi.

Qu’a apporté la relecture de ces professionnels de santé ?

Des précisions ! Ils m’ont indiqué, par exemple, d’autres moyens contraceptifs auxquels je n’avais pas pensé. Ça a amené un savoir scientifique et des connaissances qui complétaient les miennes. J’avais fait des recherches mais avoir des professionnels de santé qui vivent cela au quotidien et qui ont fait des études dédiées, ça permettait vraiment d’affiner les réponses, de corriger d’éventuelles erreurs et de choisir les bons mots de vocabulaire.

À quel public et quelles tranches d’âge s’adressent les jeux Sexploration ?

Il y a 5 jeux : quatre jeux de cartes qui sont à partir de 12 ans et le jeu de plateau est lui à partir de 14 ans. Ces jeux peuvent être utilisés par les jeunes entre eux car il y a des fiches de règles qui permettent de jouer en autonomie. Ils peuvent aussi être utilisés par les parents avec leurs enfants ou par des professionnels de santé, des enseignants, des infirmières scolaires, des animateurs, des sexothérapeutes, des associations qui font de la prévention… tous les professionnels qui sont en contact avec des publics jeunes.

En testant Sexploration avec des ados, vous êtes-vous rendu compte qu’ils en connaissaient plus sur la sexualité que l'on pourrait imaginer ou l’inverse ?

Un peu des deux ! Ils sont très informés et très crus sur certaines choses et parfois pas du tout. Par exemple, tous leurs amis vont parler de pornographie et du coup, ils sont capables d'évoquer des pratiques sexuelles vraiment hard core et puis à côté, ils ne vont pas du tout être au courant d’IST ou ils vont avoir des questions totalement néophytes du type « Est-ce qu’on peut tomber enceinte si on fait une fellation ? ». D’autres fois, ils n’ont juste pas les bases du fonctionnement du corps humain. Il y a encore du boulot à faire. Disons qu’ils en parlent beaucoup mais pas toujours avec les bonnes informations.

Actuellement, qu’est-ce qui est encore tabou sur l’éducation sexuelle, en France ?

Tout ! Je joue beaucoup en soirée à Sexploration, avec mes amis qui ont entre 25 et 35 ans. Il y a des gens qui ne savent pas ce que c’est que le féminisme, d’autres qui ne connaissent pas leur anatomie ou les questions LGBTQ+, parce que la société n’en fait pas un sujet. On en parle ni entre amis, ni en famille, parce que c’est tabou. Sinon on saurait tout cela. Il y a même des gens qui m’ont dit « Tes jeux sont sympa. Mais la sexualité, ça doit se découvrir tout seul ». C’est comme tout, ça s’apprend ! Pour éviter de faire des erreurs qu’on regretterait.

C’est un peu dommage que ce ne soit pas un simple sujet de conversation. Beaucoup de personnes pensent qu’il ne faut pas en parler aux jeunes car ils sont trop jeunes, que ça va leur donner des idées. Comme si c’étaient des êtres qui ne savent pas retenir leur libido. Ça dérange encore beaucoup de monde. Alors que si on regarde les chiffres de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), plus on parle de sexualité aux ados et aux pré-ados, et moins ils ont des conduites à risque et plus ça retarde les grossesses précoces, par exemple. C’est hyper important, même pour le vivre ensemble et le respect entre les personnes.

Les infirmières scolaires ont été les premières à commander le jeu quand il est sorti. Comment l’utilisent-elles concrètement ?

Ce sont souvent les infirmières scolaires qui prennent en charge l’organisation des 3 séances annuelles d’éducation à la sexualité dans les collèges et les lycées, qui sont censées être obligatoires. Des fois, elles organisent des demi-journées ou des journées entières pour en parler dans tout le collège ou lycée.

Ça peut être quand des associations viennent faire de la prévention ou aussi quand des jeunes leur posent des questions et qu’ils sont un peu gênés. Ça fait un support de communication pour parler plus facilement de ces thématiques-là.

Les jeux peuvent être en libre accès dans des centres de documentation & d’information. L’infirmière scolaire peut également organiser avec d’autres enseignants des séances d’éducation à la sexualité, en proposant ces outils aux profs de SVT et les autres professeurs peuvent les utiliser tout autant pour parler de sexisme, par exemple.

Pour ceux qui veulent l’utiliser en famille, comment conseillez-vous d’amener le jeu sur la table ? Et comment peut-on lever le voile de la timidité ?

Pour mettre le jeu sur la table, l’idée est vraiment de ne pas forcer les jeunes car ce serait contre-productif. On n’a pas toujours envie de jouer ou d’aborder ce sujet avec ses parents. Vous pouvez proposer le jeu en disant : « Tiens, je t’offre ce jeu-là. Tu peux y jouer avec tes amis ou tout seul. Et si tu as envie d’y jouer avec moi, viens me voir et on fera une partie ». C’est important de laisser le choix au jeune.

La timidité va s’en aller avec le jeu. C’est ce que j’ai pu remarquer : on est trop concentrés sur le fait de gagner la partie pour être timides. Par exemple, pour le jeu de plateau C'est pas tabou !, quand on met le chrono, on a une minute pour faire deviner des mots et on ne se préoccupe plus de tout le reste. On veut juste gagner. On utilise peut-être alors un vocabulaire qu’on n’aurait pas utilisé sans la pression du temps. Et c’est justement l’idée, que la mécanique de jeu débloque la parole.

Vous êtes illustratrice. Que vouliez-vous apporter de particulier à ce jeu en termes de design ?

J’ai essayé d’aller à l’opposé du manuel de SVT et du schéma médical. Même si ça change un peu, il y a une approche de l’éducation à la sexualité qui est encore alarmiste, probablement à cause du sida. On parle beaucoup des IST, des risques de grossesse, de violences sexuelles. C’est oppressant de commencer d’évoquer la sexualité avec des jeunes en ne parlant que des choses négatives. Et le fait d’avoir quelque chose de coloré, c’était pour dire qu’à la base la sexualité, c’est du plaisir. C’est un moyen de se rapprocher. C’est fun.

Au niveau de la représentation des corps, j’ai veillé à ne pas faire uniquement des personnages minces, blancs et valides. Souvent quand on est au collège ou au lycée, on est hyper complexés. On est en pleine période de puberté. Aussi de se rendre compte que tous les corps sont OK, beaux et désirables, c’est très important !

Au niveau des illustrations, j’ai voulu faire comme un effet de « dessiné à la main », ne pas avoir un schéma très propre et net comme on pourrait avoir dans un manuel de SVT mais d’avoir quelque chose de plus organique, de plus humain.

 

Note de l'équipe Topla : Pour tous ceux qui seront dans la région de Nantes le 27 octobre 2021, vous pourrez rencontrer Claire Vimont au Salon du jeu éducatif, organisé par le réseau Canopé.

Pour découvrir toute la gamme Sexploration, c'est juste : ici

Can you – Le jeu des privilèges et OK not OK – Le jeu de rôle du consentement existent dès à présent en version internationale (disponibles en français, anglais, allemand et espagnol). Les 3 autres jeux sont en cours d'impression et seront disponibles prochainement en pré-commande.

 

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