Préparez votre rentrée avec Séverine Feiss ! - pour les enfants, parents et professeurs de maternelle
Séverine Feiss a exercé le métier de professeure des écoles en maternelle, de 1999 à 2020. Elle est désormais coach en parentalité et possède son podcast Les Petits Plus Zen. Aujourd’hui, nous avons la chance qu’elle nous donne des conseils très concrets pour passer la meilleure des rentrées, que l’on soit enfant, parent ou professeur des écoles. On vous conseille de prendre des notes car elle répond même à la fameuse question que tout parent s’est posée : faut-il s’éclipser en douce, le premier jour d’école ?...
Quels principaux conseils donnez-vous aux parents d’élèves de maternelle (les 3 à 6 ans) pour une bonne rentrée ?
Si c’est une rentrée dans une école que l’enfant n’a jamais vue, je conseillerais de se promener autour de l’école et d’expliquer comment ça va se passer. Si l’enfant a pu visiter l’école lors de la réunion d’inscription, c’est encore mieux. Qu’il ait pu repérer les lieux, comment sont aménagés la classe, le dortoir... Il a peut-être repéré 2-3 jeux qui l’intéressent. Donc il va pouvoir se projeter sur la rentrée. Mais cela n’a pas toujours été possible avec le covid, cette année.
Et ensuite, on va lui parler de tout ce qu’il va se passer au niveau social. Il y aura beaucoup d’enfants avec lui. Il ne pourra pas utiliser tous les jeux, quand il veut. Il va y avoir des copains et des copines, et aussi des enfants qui vont le découvrir, qui ne vont pas toujours être d’accord avec lui. La notion de socialisation est importante à expliquer pour les 3 ans.
Sur cette notion du groupe, j’inclus aussi l’idée d’exprimer au maximum ce que l’enfant ressent. Est-ce que l’enfant est content d’aller à l’école ou au contraire il a peur d’y aller ? Est-ce que l’enfant est triste de ne plus rester à la maison avec maman ? Est-ce qu’il est triste de quitter ses copains de crèche ?
Durant toute la période qui reste avant la rentrée scolaire, il faut parler pour exprimer les émotions de l’enfant et faire le même chemin avec les parents. Le jour de la rentrée, pour certains parents, ça fait remonter leurs propres émotions. Que chaque parent s’interroge, si c’est lui qui emmène l’enfant ce jour-là, afin d’être bien au clair sur ce qu’il va revivre. Chaque rentrée avec un enfant réouvre une petite porte d’un tunnel en nous. Donc il faut prendre en compte aussi les émotions que les parents traverseront en ce premier jour d'école.
Tous les ans, j’ai des mamans ou papas avec une petite larme prête à couler et qui hésitent à partir. J’en profite d’ailleurs pour rappeler aux parents : dites bien au revoir à l’enfant avant de quitter la classe. On ne part pas en douce ! Parce que c’est très compliqué pour certains enfants qui se retournent et découvrent que leur parent est parti. Il faut qu’il sache que vous partez et que vous reviendrez le soir, qu’il n’y ait pas de sensation d’abandon, de doute, d’insécurité.
Qu’est-ce que les parents ont du mal à anticiper en général, par rapport à la rentrée ?
Pour le parent ça paraît très clair : le matin on va aller à l’école, on va se dire « au revoir », l’enfant va passer sa journée à l’école. Le soir il va revenir et les choses vont reprendre comme d’habitude. Mais pour les enfants, c’est l’équivalent de la découverte d’un nouveau continent. C’est-à-dire que tout est nouveau : le chemin pour aller à l’école, l’odeur dans l’école, les gens, la façon de parler de la maîtresse ou du maître. Il n’est peut-être pas habitué qu’on lui parle ainsi, avec ce type de syntaxe, ce vocabulaire. Il ne va pas être habitué au rythme qu’on va lui imposer. Par exemple, s’il voulait continuer de faire ses gommettes, on lui dira peut-être « qu’à présent, c’est l’heure du sport ou de la récréation ». Cette frustration, le parent a parfois du mal à l’expliquer à son enfant. Car quand l’enfant était en vacances, il pouvait plutôt faire les activités qu’il voulait, aussi longtemps qu’il le souhaitait.
Autant pour l’enfant, les nouveautés ont un côté excitant… mais je pense qu’on peut prévenir les parents qu’à la fin de la première matinée ou de la première journée, il y aura eu tellement de nouveautés, tellement de choses à découvrir, d’inconnu, d’insécurité en quelque sorte, que le soir il faut vraiment garder un moment où il n’y ait rien de nouveau, d’être dans une vraie routine (peut-être avec son plat préféré, ou un gros câlin, son livre préféré). Rien de nouveau le soir pour qu’il puisse retrouver un cocon habituel.
Que pensez-vous de reprendre des habitudes familiales avant la rentrée, justement ?
Reprendre des habitudes de sommeil, ça paraît essentiel. Parce qu’il y a cette excitation dont on parlait juste avant. L’enfant va être éveillé très tôt le jour de la rentrée, parce que tout le monde lui en parle. C’est super excitant. Est-ce qu’il aura eu son compte d’heures de sommeil, les 3 derniers jours avant la rentrée, pour garder l’énergie assez haute pour toutes ces découvertes et la fatigue de la journée ? Aussi, peut-être 4 jours avant la rentrée, essayer au maximum de coucher l’enfant avant 20h.
Au niveau alimentation, le premier jour, je conseille vraiment de prendre un bon petit déjeuner avant d’aller à l’école. Pour certains enfants, c’est difficile en classe de participer à la collation, c’est trop nouveau. Ils ne veulent pas toucher ce qu’il y a à l’école. Néanmoins, pour certains, ça se passera parfaitement. Mais en tout cas, il faut que l’enfant ait des réserves alimentaires pour tenir toute la matinée. Et même à la cantine, comme c’est très nouveau, parfois certains enfants n’osent pas toucher à la nourriture.
Par rapport au rythme en lui-même, un petit peu d’autonomie la semaine précédant la rentrée, ça peut permettre à l’enfant de comprendre que nous aussi en tant que parents, on change. Ça veut dire que maintenant il va prendre son sac tout seul. Il va mettre ses chaussures tout seul. On lui fera moins de choses. On va le laisser de plus en plus responsable de certains petits choix ou gestes.
Donc le changement s’amorce dès le 24-25 août. Si les parents sont motivés, on peut mettre en place chaque jour une petite nouveauté. « Ah tiens, ça tu peux le faire tout seul. Tu peux descendre tout seul tes affaires sales dans le panier à linge. » De le mettre en charge de petites taches, de le responsabiliser. Selon le fonctionnement familial, ça peut être des choses qu’il a déjà commencées quand il avait 2 ans. On peut commencer par de la vie pratique. C’est vraiment le système Montessori. Ne pas lui sortir des activités extérieures à sa vie personnelle. Prenez vraiment ce que vous avez à la maison. Ca peut être : étendre le linge avec les parents, emmener les poubelles dehors car le camion arrive, mettre les cuillères quand on met la table… Des choses pratiques. Pour lui montrer que, dans la vie quotidienne, ce que font les adultes a un sens, une cohérence et que lui maintenant qu’il a grandi, il va pouvoir faire des choses de grand.
Si on se sent débordé en tant que parent avec la rentrée, comment conseillez-vous d’aborder cette période ?
Le parent va pouvoir lâcher prise sur tout ce qui n’est pas urgent. Il y a des choses qui sont urgentes comme remplir les formulaires de rentrée. Dès que vous les avez, vous les mettez de côté pour vous en occuper avant le film du soir. Faites les choses au fur et à mesure, pour éviter le débordement. Et si ça ne va vraiment pas, on va courir avec les enfants, on sort au parc, on rigole ou on met de la musique et on danse. On s’organise un petit temps de qualité, dont je parle dans les épisodes de mon podcast, pour faire redescendre les émotions et le stress de tout le monde car bien entendu c’est communicatif.
Si le parent sent que la première semaine est vraiment très contraignante, très stressante. L’enfant va se dire « ça a l’air pénible. Je vais peut-être m’inquiéter aussi car mes parents ne vont pas bien. » Alors, si on ne veut pas communiquer de manière contagieuse notre stress, notre frustration de ne pas tout maîtriser, on peut déjà en amont aller faire les photos d’identité, préparer le sac à dos, la boîte de mouchoirs… Des fois, il y a une liste fournie par l’école. On peut s’en occuper avant le 30 août. Pour que le jour de la rentrée, on ait fait le maximum et qu’on vide « l’eau du vase au fur et à mesure », pour que le vase évite de déborder. Anticiper, organiser et si les 2 premiers jours sont vraiment difficiles. Tant pis, ces jours-là il n’y aura pas de lessive faite ou de vaisselle ou ménage. On n’ira pas chez tatie ou chez mamie le dimanche… On programme un temps de repos pour récupérer et on renonce à certaines habitudes qui renforceraient notre fatigue.
Côté professeurs des écoles, avec l’expérience que vous avez, quels conseils donneriez-vous à ceux qui débutent ?
Pour les profs, s’ils ont déjà leur niveau de classe, leur liste et un peu la disposition de la classe… (ce qui n’est pas le cas de tout le monde, car il y a des affectations qui arrivent très tard) vous pouvez déjà visualiser votre premier jour de rentrée.
Est-ce que vous allez ouvrir tous les espaces de votre classe ? Est-ce que le premier jour il y aura à disposition la pâte à modeler, les perles, etc ? Je conseille de vraiment se projeter en disant : « une fois que tous les élèves seront rentrés dans la classe, est-ce que je leur aurais mis un badge, une étiquette ? Comment je vais me rappeler de tous les prénoms ? Est-ce que je prépare une activité collective d’abord ou est-ce que je les laisse déambuler ? ». Fermez les yeux et dites-vous : « Comment j’imagine ma première journée ? De quoi vais-je avoir besoin pour que ça se déroule ainsi ? ». Les imprévus, vous en aurez toujours. Ce jour-là il va peut-être pleuvoir et la récréation sera annulée ou la salle de sport sera fermée.
Donc anticiper vaut aussi pour les professeurs. On met de côté, une petite activité si c’est vraiment le bazar, un retour au calme, une histoire, une comptine. On a des plans A, B et C. C’est valable pour tout le reste de l’année mais c’est particulièrement pour cette première journée.
Si ce sont des professeurs qui débutent en maternelle, je leur conseille d’être assez souples sur les attendus scolaires, le premier jour. On va plutôt sécuriser le élèves. On va leur dire « oui, c’est nouveau. Oui, vous ne vous connaissez pas, vous ne me connaissez pas. Je suis maître(sse) depuis tant d’années. » Peut-être que vous avez eu les grands frères et sœurs... Parlez de vous en tant que prof, d’humain à humain. Ces petits enfants vont passer l’année avec vous. Ils ont besoin de créer un lien de confiance, une connexion. C’est un temps de qualité qu’il faut créer avec eux. On parle de leur identité. « Toi, ça y est tu as 3 ans ! Et toi, tu as choisi de mettre un joli vêtement aujourd’hui. Et toi, tu cours très vite ! » En fait, on les valorise, on crée le groupe. On n’est pas du tout dans le scolaire, dans la lecture, les couleurs, les formes. Tout cela viendra après. On laisse les enfants observer, prendre leurs repères, découvrir le matériel. Il y a des enfants qui vont rester près de leur porte-manteaux, une partie de la matinée parce qu’ils n’ont pas envie de socialiser. Et ça sera à nous de leur dire : « Viens, regarde il y a un camion de pompiers là. Est-ce que tu veux venir jouer avec moi ou préfères-tu colorier ? ».
Il s’agira de les inviter à passer doucement du statut d’enfant au statut d’élève. Ça prendra 2 ou 3 semaines pour certains. D’autres, qui ont des grands frères et sœurs, sont déjà rodés. Ils vont être à fond, ils vont sortir toutes les boîtes. Là, est-ce que vous prêts dans votre visualisation à dire « ils ont droit de tout sortir ou pas ». Faites-vous des arbres à choix et demandez-vous si à la rentrée « Je mets tout à disposition ou bien est-ce que je cloisonne ? Est-ce que je fais d’abord un temps collectif ou une lecture ? Est-ce qu’en sport, je sors les ballons ou plutôt quelque chose de facile à ranger ? A vous de voir, faites en fonction de votre personnalité. La rentrée est un moment où l’on parle tranquillement aux enfants. On met les règles en place, les limites, les indications, les informations.
Et je conseille aussi à tous les profs qui débutent en maternelle de créer le lien avec les parents, de leur expliquer : « Vous savez même si là il est un peu triste, on va tout lui expliquer. Il vous racontera ce soir. » Rassurer aussi les parents. Il y a des parents qui sont plus inquiets que leurs enfants.
Quelles erreurs avez-vous rectifiées en tant que professeur au fil des années, pour avoir une meilleure rentrée ?
Avec les petits - les enfants qui ont entre 2 et 4 ans et dont c’est la première rentrée - je passe beaucoup plus de temps en individuel. Quand j’ai commencé, je prenais la classe en entier, en considérant le groupe. Maintenant, je prends du temps individuel avec chaque enfant. Ca veut dire que j’accueille chaque famille une par une. Je prends une photo de l’enfant avec ses parents. Cette photo sera développée et sera affichée dans la classe, dès le lendemain. Comme un doudou, comme un objet transitionnel.
Je me mets à la hauteur de l’enfant, je lui dis bonjour et ainsi que mon prénom, je lui donne un petit bracelet en silicone et je lui dis « tu fais partie maintenant de l’école, de notre classe. On est la classe verte ou autre. Tu fais partie du groupe. Bienvenue. » Comme une intronisation, où il sent membre d’une nouvelle appartenance, d’une nouvelle communauté. Ainsi, il passe symboliquement de la famille, où il était presque tout le temps, au statut d’écolier.
Éviter de se laisser accaparer par certains enfants qui veulent qu’on valide toutes leurs actions, qui disent « regarde, regarde, regarde ». Et puis, il y a aussi les petits timides qu’il faut aller voir au milieu de la classe, en disant « est-ce que tu veux faire une activité ? Si tu as besoin d’aide, tu peux venir me voir. » Respecter leur besoin de s’isoler mais aller les voir régulièrement tous, un par un.
Je conseille aux professeurs, qui ont peur de ne pas mémoriser tous les prénoms de la classe, de s’autoriser à leur mettre un autocollant sur les vêtements, au moins la première heure. Des fois, les enfants ne répondent pas à leur prénom. Vous appelez un prénom et personne ne répond. Et on n’a pas toujours un trombinoscope, à la rentrée en maternelle.
Quand on avance en carrière, on observe également beaucoup plus les enfants pour s’adapter à des parcours individualisés.
Vous créez-vous des outils pour la rentrée ?
Oui, on se crée presque tous des grilles d’observation, des grilles de pointage. Selon notre personnalité et notre projet, ça peut être différent, tel que : « est-ce que l’enfant est venu demander de l’aide ? Est-ce que l’enfant sait mettre ses chaussures tout seul ? » On peut se cocher ainsi tout ce qu’on veut, ça nous permettra d’avoir un point de référence initial. On dit des fois « une évaluation diagnostic ». Pour savoir d’où les enfants partent en septembre. Et comme cela, on pourra dire à Noël quand on reçoit les parents : « Souvenez-vous en septembre, il en était à cette étape-là. Maintenant, il sait faire tout cela. »
J’ai aussi des outils plus didactiques comme accrocher dès le début des comptines au mur parce qu’il y a beaucoup de chance que les enfants connaissent certaines comptines. Il y a le mot de la comptine, le titre, les paroles et une illustration. Ça crée un échange entre les enfants.
Un autre outil que j’apprécie beaucoup, c’est de proposer aux parents qui le peuvent de ramener un petit album photo souple où il y a une douzaine de photos. Quand on dispose des photos des parents, de la petite sœur, de la chambre, des vacances, du chien, de mamie… c’est un super support de langage. On appelle cela aussi un « album écho ». Ça permet de voir la progression du langage entre septembre et juin. Au début de l’année l’enfant va ouvrir l’album et montrera sa sœur en disant « Éna » parce que sa sœur s’appelle Léna. Puis en décembre il dira « Léna et (son propre prénom) ». Et à la fin de l’année, il dira « Ah, j’étais sur le manège ! ». On voit le lexique évoluer en quelques mois et c’est fabuleux.
Si vous êtes parents ou professeurs des écoles, allez faire un tour sur le podcast Les Petits Plus Zen, créé par Séverine Feiss et dédié à la parentalité. Vous avez déjà 10 épisodes disponibles pour la saison 1. La seconde saison reprend dès le 25 août 2021.
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