La classe flexible, on s’y met maintenant ? - Entretien avec Delphine Thibaut, maîtresse d’école.

La classe flexible, on s’y met maintenant ? - Entretien avec Delphine Thibaut, maîtresse d’école.

Delphine Thibaut enseigne comme professeur des écoles en primaire depuis 11 ans. Ces dernières années, elle utilise la méthode de la classe flexible avec ses classes de CM1 et CM2, une méthode répandue en Outre-Atlantique mais encore peu utilisée en Europe. Nous la rencontrons aujourd’hui afin qu’elle nous explique les bénéfices de cette méthode et comment la mettre en pratique. 

Qu’est-ce qu’une classe flexible ? Quels en sont les intérêts ? 

J’ai découvert ce concept en Outre-Atlantique, aux États-Unis et au Québec. À la base, la classe flexible permet de répondre au besoin qu’ont les enfants de bouger et de décharger leur énergie, tout en instaurant une pédagogie : le but, c’est que l’enfant continue d’apprendre en se dépensant. C’est pour cela qu’aménager sa classe, rendre sa classe un peu insolite, c’est attrayant pour les enfants et ça apporte un effet de bien-être immédiat. Par exemple, être en chaussettes et pouvoir s’asseoir dans un canapé ou sur un ballon a un effet direct, cela augmente l’envie d’apprendre car c’est plaisant pour eux de venir à l’école. De même du côté pédagogique, le fait de travailler en groupe, avec ses camarades, est plus ludique et efficace. On peut le voir quand un enfant à des difficultés à comprendre quelque chose, c’est le camarade qui va expliquer et tous les deux communiquent dans un langage différent de celui d’un adulte. L’élève comprend beaucoup plus facilement avec ses pairs. C’est comme une alchimie entre les enfants où chacun va pouvoir amener ses compétences, son point de vue, au service du travail commun. 

Comment peut-on mettre en place une classe flexible ?

Dans un premier temps, il faut changer sa pratique. C’est-à-dire que si on a un enseignement plutôt classique, où tout le monde fait la même chose en même temps, il faut déjà commencer par cela. On peut démarrer en faisant du travail en groupe, avec une moitié de la classe qui travaille en autonomie et en groupe, et l’autre moitié de la classe qui travaille avec l’enseignant sur quelque chose de plus guidé et structuré. Les élèves vont peu à peu s’habituer au travail en groupe. Et cette méthode va entraîner naturellement une réorganisation de l’espace, pour que ces élèves puissent discuter entre eux. Pour optimiser au mieux les aménagements, l’enseignant doit se poser plusieurs questions : 

  • Qu’est-ce que j'ai déjà à ma disposition dans l'école ? 
  • Qu'est-ce que j’ai déjà à ma disposition dans ma classe ? 
  • Comment puis-je utiliser ces éléments ? 
  • Comment puis-je optimiser cet espace ? 

En répondant à ces questions, je fais un plan. Je regarde les mètres carrés dont je dispose pour faire cet aménagement. C’est à cette étape que je me suis rendue compte que beaucoup de place était consacrée à mon espace de prof, comme le bureau et des armoires que les enfants ne peuvent pas utiliser. J’ai donc retiré mon bureau qui prenait beaucoup d’espace et j’ai pris quelque chose de plus petit. Plus on a d’élèves, plus il faut optimiser. 


Quels types d’assises sont innovantes pour une classe flexible et quels en sont les intérêts ? 

Au début je n’avais pas de budget, donc tout simplement, j’ai utilisé le sol. Les enfants adorent ça. J’ai proposé aux parents que chaque enfant ramène un coussin de la maison. J’aime aussi les tabourets oscillants car ils permettent de bouger. On fait naturellement des mouvements de bassin et ça canalise l’énergie. J’aime bien aussi les tabourets ZTOOL qui sont des sièges-tables. Ce type de tabouret est très pratique car il peut s’utiliser partout. Les ballons de gym sont un peu similaires. Vous pouvez vous asseoir tout en bougeant un peu. Des poufs, des marche-pieds, un fauteuil, tout ce qui permet d’être assis autrement sera parfait. 

Depuis combien de temps pratiquez-vous la classe flexible ? Quelles sont vos conclusions ?

Cela fait maintenant 4 ans que je fais de la classe flexible et j’y trouve beaucoup d’avantages. Il y a une sensation de confiance et de bien-être, on laisse le droit à l'enfant de bouger, de se déplacer, de s’installer confortablement, de s’allonger et je pense que c’est un vrai moteur pour l’atmosphère de la classe en général. Ce sont de bonnes conditions pour apprendre. Mais il y a aussi un gros développement de l’autonomie et du travail de groupe et cela passe par la discussion, je trouve que les élèves sont meilleurs. On cherche et on écrit sur l’ardoise. Il y a beaucoup de temps consacré à l'expression, à la verbalisation, et ça c’est une belle plus-value aussi de la classe flexible. Je ne me suis pas rendue compte de cette évolution tout de suite. Ce sont des personnes de l'extérieur qui l’ont remarqué. Ils m’ont dit que mes élèves étaient très à l’aise à l’oral.

Quelles autres innovations mettez-vous en place dans votre classe ? 

Mon grand projet c’est le “FabLab”. C’est un lieu de fabrication assistée numériquement, avec impression 3D, découpe laser, programmation etc. L’idée c’est de définir ce qu’on a envie de fabriquer et comment on va le faire de A à Z. Dans mon école, j’ai la chance d’avoir deux imprimantes 3D, une découpeuse numérique, une machine à coudre, des cartes de programmation, une perceuse à colonnes, etc. Avec les enfants, on va construire des projets grâce à ces technologies. En ce moment, on est en train de programmer un petit moteur qui va animer le bras d’un astronaute. Une fois que les enfants seront à l’aise avec ce type de programmation, ils choisiront eux-mêmes le prochain projet. Par exemple, j’ai des élèves qui préfèrent coudre un sac et ça implique de savoir faire un patron, d’utiliser des maths, de faire des découpages, de la couture. On teste ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. C’est une démarche technologique, scientifique et expérimentale. On fait appel à toutes les compétences. Ce sont les enfants qui sont maîtres de leurs projets et doivent choisir eux-mêmes comment s'y prendre.

En plus de ça, je teste aussi des jeux en classe. Il y a un jeu de programmation que j’utilise et qui permet aux élèves d'être autonomes sur cette partie. J’ai profité de la coding week pour lancer ce projet de codage. J’utilise aussi Twitter et je suis des hashtags comme #codeweek ou #fablab qui permet de trouver d’autres idées et de voir ce que font les autres classes et c'est une bonne source d'échanges et d'idées.

Retrouvez prochainement sur notre blog un article consacré plus en détail au FabLab !


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