Réussir sa politique de Qualité de vie au Travail - avec Hortense Noiret (consultante QVT)

Réussir sa politique de Qualité de vie au Travail - avec Hortense Noiret (consultante QVT)

Hortense Noiret est avocate de formation. Après avoir exercé 3 ans, elle intègre France Télévisions en tant que juriste de droit social. Elle a consacré ces 10 dernières années à sa passion, la Qualité de Vie au Travail, en tant que Responsable QVT. Un poste qu’on créait tout juste à l’époque. Elle ouvre désormais un nouveau chapitre de vie, avec la naissance de son cabinet de consulting dédié à la QVT. Aujourd'hui, nous avons décidé d'aborder avec Hortense les éléments qui font le succès d’une politique de Qualité de Vie au Travail.

Quelle est votre définition de la Qualité de vie au Travail (QVT) ?

Il y a une définition de l’ANI (l'Accord National Interprofessionnel sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail) qui parle de bien-être. En matière de QVT, je préfère employer « être bien en entreprise » que « bien-être ». En fait, je vois 3 niveaux à la Qualité de Vie au Travail.

Tout d’abord sa QVT personnelle : comment bien concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle, avoir bien défini son besoin dans son job.

Au 2e niveau, ce sont les relations de travail avec les autres, entre collaborateurs, et les relations avec le management. Faire en sorte qu’il y ait un vrai lien de confiance. C’est essentiel pour éviter de s’épuiser sur trop de sujets. 

Enfin, on ne peut pas parler de QVT sans parler de « Management par la Qualité de Vie au Travail ». Il est important que les managers soient sensibilisés et en particulier les DG (Directeurs généraux). Il s'agira alors d’être attentif aux conditions de travail des collaborateurs, avoir une écoute bienveillante et faire réellement confiance. 

Par quoi conseillez-vous de commencer, quand on veut s'attaquer à la QVT dans son entreprise ?

Au préalable, il faut s'assurer que la Direction Générale vous suit. Si c'est une initiative d'un responsable des Ressources Humaines isolé et que la DG n'a pas été embarquée, vous allez ramer. Il faut aussi que les managers soient partants et qu'il y ait un CODIR (Comité de direction) au moins à 50 % avec vous et où vous aurez des alliés.

Après, il faut interroger le besoin. C'est une erreur que j'ai faite un peu au début. C'est-à-dire que vous avez des idées sur des choses sans avoir véritablement recueilli le besoin. Or, les gens vous attendent sur d’autres sujets. Ce qui crée un décalage.

Dans un premier temps, vous pouvez demander au CODIR ce qu'ils en attendent. Ensuite constituer un panel de personnes qui seront interviewées. S’allier aussi les partenaires sociaux, parce que s'ils sont avec vous, vous irez beaucoup plus vite.

La troisième chose, c'est de s'assurer qu'on a des moyens pour embarquer au niveau du management. Il peut y avoir des managers qui disent "c'est sympa, mais je ne peux pas y aller tout seul". Dans ce cas, il faudra que vous ayez des coachs, des psychologues du travail qui vous aident… un ergonome par exemple, des experts externes à qui vous faites appel. Je pense que pour cela, il faut que le Directeur général vous en donne les moyens. Après vous pourrez faire appel à l'intelligence collective. Mais au début il faut donner envie et mettre en visibilité.

Quelles sont les spécificités des grands groupes en matière de QVT, que ce soit dans leur fonctionnement ou les challenges auxquels ils font face ?

J'ai créé un club QVT avec Orange, il y a 3 ans et demi. Ce club est informel et constitué de grands groupes. L'idée étant de partager nos bonnes pratiques en matière de QVT. Le gros sujet qui est revenu, et encore plus au moment du confinement, c'était le télétravail. Le confinement, la crise, la pandémie ont grossi le trait de ce sujet qui était un peu latent.

Chez France Télévisions, on avait environ 400 personnes en télétravail. En une seule journée, on est passé à 4000 ! Pour toutes les entreprises, à part celles qui avait déjà bien mis en place le télétravail, ça a mis en exergue ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire en matière de management.

Tout ce qui est aussi connexion / déconnexion a été un sujet très important, quand est arrivée la crise du Covid19. De même le sujet autour de « comment mieux concilier sa vie professionnelle et vie personnelle ».

La Qualité de Vie au Travail est « le pendant » des RPS (risques psychosociaux). Il y en a eu beaucoup pendant le confinement, parce que les gens ne bossaient plus, certains ne voyaient plus à quoi ils servaient ou parce qu’au contraire ils se tuaient à la tâche. C'était très compliqué. Il a fallu réfléchir à comment accompagner les collaborateurs et les managers. Parmi ces derniers, beaucoup se sont posé de vraies questions, car ils n'étaient absolument pas habitués à travailler à distance. Il a fallu être inventifs.

Quels problèmes se posaient sur le terrain ?

Disons que vous ne voyez plus la personne et vous ne pouvez plus contrôler comme vous le faites ordinairement. Personnellement, je prône la confiance a priori et le contrôle a posteriori. Mais quand vous êtes à distance, vous ne voyez plus les gens et vous ne savez pas ce qu'ils font. On entendait alors des phrases comme : « les salariés sont en télétravail, donc ils ne bossent pas. Ils sont en train de regarder des séries. » Alors que c'est prouvé que le télétravail, c'est 12 à 20 % de plus en productivité. C'est une évidence, vous gagnez beaucoup de temps, vous vous concentrez plus, vous êtes plus appliqué.e.

Pour manager à distance c'est très difficile quand vous n'y avez pas été habitué et que ça arrive du jour au lendemain. Les managers ont été maladroits, parfois. C'est-à-dire qu’ils appelaient trois fois par jour ou calaient une réunion d'équipe à 9h01, tous les matins...

Ou à l'inverse, plus de son, plus d'image : certains n’interagissaient plus du tout ! Alors là c'était catastrophique. Les managers se disant : « je ne veux pas déranger, parce que le salarié est chez lui ». Non, le collaborateur n’est pas chez lui, il travaille de chez lui. Parce qu'en ce moment, il n'y a pas le choix. Évidemment que le manager peut appeler le collaborateur. Mais en revanche en se donnant des codes, en demandant si telle heure convient à l’autre pour un appel, en respectant le rythme des uns et des autres. C’est fondamental de garder le contact en télétravail.

Quelle est votre plus belle réussite d'action QVT ? 

C'est tout ce que nous avons fait sur le sujet de la déconnexion. Ça a duré 3 ans. C'était un projet qui s'appelait @ttitude. Il y avait un jeu pédagogique autour de la déconnexion, sur comment mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle, et le respect au travail. Le jeu était animé avec la participation du manager et ça permettait de libérer la parole sur différents points, sous forme d'échanges portés par les cartes.

Ce fut vraiment un de nos succès surtout que c'était encore assez nouveau en 2012-2015. Nous sommes vraiment partis d’un besoin exprimé dès le début en termes de Qualité de Vie au Travail. On ne nous avait pas demandé des cours de yoga ou autres… l'hyper-connexion était un vrai sujet de tension dans l’entreprise.

On a créé aussi des formations qui s'appelaient « Forme @ttitude », accompagnées par un prestataire avec des fiches spécifiques. Après cela, il y a eu une forme numérique, avec un questionnaire d'auto-évaluation. Pour déterminer son profil numérique "hyper-connecté", "sous-connecté", etc. Comme cela les gens se rendaient mieux compte.
Ce que j'ai bien aimé dans ce projet c'est qu’il a continué, ça n'a pas été juste un one shot. On l’avait marketé, avec par exemple des tapis de souris et autres, où il y avait écrit le nom du projet. Et ma grande fierté c'est quand on disait :“Là, tu n’es pas très @ttitude.” Ça voulait dire que les collaborateurs s'étaient appropriés le concept. Pour autant, il faut quand même être hypervigilant car rien n’est gagné. Mais on a pu observer que les bonnes pratiques recommandées étaient devenues des habitudes chez les salariés.