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Article: Vers une communication plus inclusive - Entretien avec Sophie Roosen, responsable RSE à l’Union des marques.

Vers une communication plus inclusive - Entretien avec Sophie Roosen, responsable RSE à l’Union des marques.
Inclusion

Vers une communication plus inclusive - Entretien avec Sophie Roosen, responsable RSE à l’Union des marques.

Armée d’une expérience de 12 ans en tant que responsable marketing pour une marque engagée dans les cosmétiques naturels et biologiques, Sophie a développé des connaissances approfondies sur le sujet du développement durable, ainsi qu’une conscience écologique et respectueuse de l’environnement. Petit à petit, Sophie a élargi son périmètre d’action, travaillant sur des sujets plus sociaux, notamment sur des problématiques RSE. Voulant accompagner au mieux les entreprises dans la construction de marques plus durables, elle prend la direction RSE de L'Union des marques l’année dernière. Aujourd’hui nous la rencontrons afin qu’elle nous explique comment elle accompagne les marques pour les aider à mieux communiquer. 

Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu’est l’Union des Marques et quelles sont ses missions ?

L’Union des marques est une association interprofessionnelle qui existe depuis une centaine d’années. L’objectif est d’accompagner les marques autour de leurs enjeux de transformation. Aujourd'hui nous travaillons principalement sur deux sujets : la transformation durable et la transformation digitale. Nous comptons à peu près 240 adhérents et ce sont des PME, ETI, et grands groupes. Il y a un autre pilier qui est important, c’est que l’Union des Marques est aussi la voix des marques. C’est une association qui va porter la voix des marques vis-à-vis des parties prenantes externes. Par exemple, je travaille avec l’ADEME sur l’aspect transformation durable, on est en train d’élaborer avec eux un guide sur l'impact environnemental et carbone des communications. 

Un autre thème auquel nous travaillons c’est sur l’inclusion. On a par exemple travaillé sur la Charte pour une représentation mixte des jouets qui est portée par le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est une charte qui promeut une représentation plus inclusive et égale entre les petites filles et les petits garçons, pour aider justement à travailler sur tous les biais sexistes. Avec l’Union des marques, on essaye d’aller fédérer les marques autour de ces sujets.

Plus récemment, nous avons lancé un gros chantier : la rédaction d’un guide sur la communication inclusive. Quelles en sont les bonnes pratiques, avec de bons exemples ? Cela va permettre aux marques de s’inspirer de ces schémas pour mieux communiquer et être inspirées pour mieux avancer sur ces sujets.

Qu’est-ce-que la communication inclusive ? Comment la définiriez-vous ? 

Pour moi, la communication inclusive est une communication qui cherche à représenter la société telle qu’elle est, et non pas telle qu’elle peut être fantasmée. Et pour y arriver, ça nous oblige tous et toutes à déconstruire un certain nombre de biais, parce qu’on sait aujourd’hui qu'il existe 25 types de discriminations. L’idée de la communication inclusive, c’est de regarder quelles sont ces discriminations et essayer au maximum, de façon intelligente, de déconstruire ces stéréotypes. Par exemple sur le sujet du handicap,  tout simplement, au lieu d’aller mettre une personne handicapée dans une publicité en situation d'héroïsme, on va plutôt la montrer dans une situation de normalité de la vie. Parce qu'une personne en fauteuil roulant, une personne aveugle, ou sourde ont exactement les mêmes besoins de consommation que nous tous. L’idée est de représenter les personnes dans les situations qu’elles vivent. À l’Union des Marques, on travaille avec des grilles d’auto-diagnostic qui permettent aux entreprises de regarder ces 25 critères de discrimination et de passer au crible leur campagne : quels sont les sujets qu’ils adressent et quels sont les sujets qu’ils n'adressent pas, et du coup comment progresser et avancer. L’idée de la communication inclusive est de montrer la société telle qu’elle est, et telle qu’on voudrait la voir représentée.

Est ce que vous pensez qu’on est un peu en retard sur ces sujets en France ?

Ce que je ressens et ce que je vois, notamment par rapport au challenge REPRESENTe, c’est qu’on a quand même eu 4 fois plus de dossiers que l’année précédente à étudier et ce sont des dossiers de qualité. Je constate une accélération de ces enjeux et sur tous les sujets : on a eu des dossiers sur l’énergie, le transport, la beauté, l’entreprenariat, mais aussi sur des sujets de stéréotypes et d’inclusion avec des prises de positions assez fortes. Je pense qu’il y a un vrai coup d’accélérateur qui a été mis en place. Il y a aussi une tendance sociétale d’acceptation très forte qui oblige les marques à se repositionner dans leurs campagnes. 

Le challenge REPRESENTe, c’est un challenge qui a été lancé d’abord sur les stéréotypes de genre et l’égalité homme-femme, puis petit à petit, ça s’est ouvert à tous les champs de l’inclusion. L’idée, c’est que les marques soumettent des campagnes de communication qui favorisent l’inclusion et la diversité. Ce n’est pas la marque qui est récompensée mais bien sa campagne de communication.

Chaque marque va pitcher devant un jury. Ce jury est composé de membres de la société civile et du secteur de la communication. Il est présidé par Sylvie Pierre-Brossolette, qui était membre du Haut-Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes. Et ensuite, le jury va délibérer et élire les deux campagnes gagnantes de l'année. 

L’année dernière, nous avons pu observer un phénomène vraiment nouveau. La marque Gillette a gagné le challenge avec sa campagne sur les nouvelles masculinités. La marque nous a expliqué que c’était leur campagne la plus polarisante sur les réseaux sociaux. Ils n’ont jamais eu autant de commentaires négatifs voire parfois agressifs, notamment sur YouTube. Mais ils considèrent qu’ils ont un rôle à jouer dans la société sur ce sujet et donc, ils maintiennent ce cap. Ce sont des choses qui font réagir, et qui ne sont pas évidentes. Ça demande encore pas mal de courage de la part des marques. 

Pourquoi c’est devenu indispensable aujourd’hui de mettre en place une communication inclusive quand on est une marque ?

Selon le rapport Havas de 2019, 77% des marques pourraient disparaître dans l’indifférence en France. La marque est une entité très fragile et si son discours aujourd'hui n'est pas un discours réel, il sera plaqué, vu, découvert, et c'est complètement contre-productif et dommageable. Aujourd’hui, c’est donc devenu indispensable de faire de la communication inclusive. Les marques s’adressent à toutes et tous et il y a quand même tout ce travail d’identification : comment puis-je m’identifier dans cette campagne ? Mais à force de segmenter et de ne représenter qu’une partie de la population, les marques se coupent complètement du monde réel et peuvent rater leur cible. Selon le baromètre de l’Ademe - Greenflex, il n’y a que 30% de consommateurs qui font confiance aux marques, c’est quand même très peu et inquiètant. Il faut aujourd’hui que les marques soient plus ouvertes à voir ce qu’il se passe dans la société, à faire davantage leurs preuves, à être plus cohérentes sur leurs engagements. Il faut montrer qu’on a bien conscience qu’on s’adresse à toutes et tous, et qu’on est dans la société qui évolue à vitesse grand V. On le voit avec des prises de positions fortes que ce soit le mouvement Black Lives Matter mais aussi la montée du féminisme, c’est grâce à ces mouvements sociétaux que les lignes bougent. Les marques ne peuvent plus s’affranchir de répondre, elles doivent être présentes.

Quelle est, selon vous, la plus grosse urgence à laquelle les entreprises doivent répondre en termes de communication inclusive, et avez-vous un conseil, un quick-win à partager avec nous ? 

Pour moi, il faut travailler sur la cohérence interne-externe de la marque. Il faut d’abord travailler sur ces questions en interne. Il y a un certain nombre de start-ups qui ont eu de grosses difficultés parce qu'on a bien montré que leur communication était assez réussie, assez inclusive, mais ça ne reflétait pas du tout l’état d’esprit de la startup et de ce qui se passait dans les équipes. Pour se poser les bonnes questions et pour réaliser qu’on ne montre pas une partie de la société, encore faut-il pouvoir s’en rendre compte. Si l’on vit sa vie professionnelle dans une entreprise qui ne promeut pas la diversité, on peut très facilement “oublier” la société dans laquelle on vit. Il faut vraiment qu’il y ait cette cohérence interne-externe car c’est un gage de confiance pour les consommateurs.rices. Il sera beaucoup plus facile d’aller porter en externe cette parole-là, car on aura mieux compris les enjeux. En fait, cette cohérence interne et externe devient complètement indispensable car tout devient visible avec les réseaux sociaux ou des sites comme Glassdoor. Il faut vraiment représenter une société telle qu’elle est, au lieu de représenter une société fantasmée.

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