Article: Reconnaître le TDAH chez les adultes et les femmes : Les perspectives de l'auteure et podcasteuse Grace Timothy

Reconnaître le TDAH chez les adultes et les femmes : Les perspectives de l'auteure et podcasteuse Grace Timothy
Comment expliquer que le Trouble Déficit de l'Attention avec Hyperactivité (TDAH), l'un des troubles neurodéveloppementaux les plus répandus à l'échelle mondiale, soit si souvent négligé chez les adultes et particulièrement chez les femmes ? Défini par des difficultés persistantes d'attention, d'impulsivité et d'hyperactivité, ce trouble a des répercussions significatives, non seulement sur le fonctionnement quotidien, mais aussi sur le bien-être émotionnel et les relations interpersonnelles.
Largement reconnu chez les enfants, le TDAH n’a gagné en visibilité chez les adultes que ces dernières années, grâce à une sensibilisation accrue, à des outils de diagnostic plus performants et à une évolution des perceptions sociétales.
Cependant, de nombreux adultes, et surtout des femmes, demeurent non diagnostiqués pendant de longues années, masquant souvent leurs difficultés par des mécanismes d'adaptation qui, avec le temps, deviennent inefficaces. Grace Timothy, diagnostiquée à 37 ans en 2021, illustre cette réalité. Elle a vécu une grande partie de sa vie sans comprendre l'origine de ses difficultés. Une fois diagnostiquée, elle a constaté un manque criant d'informations sur la manière dont le TDAH se manifeste chez les femmes, ce qui l’a incitée à créer des ressources pour soutenir les personnes confrontées à des situations similaires.
Commençant avec son podcast "Is It My ADHD?", où elle anime des discussions ouvertes et honnêtes avec des experts et des personnes vivant avec le trouble, et plus récemment avec la publication de son livre "Is It My ADHD? Navigating Life as a Neurodivergent Adult".
Au cours de cet entretien, nous abordons les défis liés au diagnostic chez l'adulte, les expériences spécifiques des femmes et l'importance cruciale de sensibiliser et de soutenir davantage les personnes concernées par ce trouble.
-
Vous avez reçu un diagnostic de TDAH il y a 4 ans, après avoir vécu une grande partie de votre vie avec des symptômes qui paraissaient incohérents. Avec du recul, quels sont les signes clés du TDAH que vous pouvez maintenant identifier dans votre parcours ?
Malgré mes efforts constants pour maîtriser l'anxiété et les autres troubles mentaux que j'avais accumulés au fil des années, je retombais invariablement dans des schémas de comportement et des états émotionnels récurrents.
Aujourd'hui, je réalise que le TDAH était probablement à la base de ces expériences, me privant, sans que je le sache, de la possibilité de me rétablir pleinement et de fonctionner avec l'aisance apparente des autres.
L'hyperfocus, que j'ai longtemps pris pour une éthique de travail rigoureuse et une passion débordante, a toujours été une composante majeure de ma vie. Les difficultés à nouer et maintenir des amitiés, ainsi que l'incapacité à garder un emploi sur le long terme, étaient également des signaux d'alarme évidents.
Le cycle de « boom et effondrement » que j’ai commencé à vivre dès l’école primaire est tout à fait classique aussi et les sentiments constants de sur-stimulation et de sous-stimulation étaient toujours présents. La plus grande surprise, cependant, a été de découvrir que tout cela était lié à un dérèglement de l’énergie. Des choses comme l'ennui, la fatigue et le manque de motivation pour des tâches telles que l'exercice physique ou même l'hygiène personnelle étaient des aspects dont j'avais tellement honte que je les ignorais.
Avoir une nouvelle prise de conscience de moi-même m’a énormément aidée à mieux gérer ces défis et j’essaie désormais de mettre en avant mes points forts autant que possible.
-
Pourquoi le TDAH est-il si souvent associé à l'enfance et quelles conséquences cette perception erronée entraîne-t-elle pour les adultes qui en sont atteints ?
En 2025, il est frappant de constater que les outils d'évaluation et de pré-diagnostic restent majoritairement conçus pour les enfants, négligeant les adultes qui ont passé des années à perfectionner leurs stratégies de camouflage. Ils ont appris à dissimuler leurs traits caractéristiques et à se conformer aux attentes sociales.
Le stéréotype persistant associant le TDAH aux garçons hyperactifs découle des études initiales, qui se concentraient sur des cas d'enfants de sexe masculin. Pendant longtemps, on a cru que le TDAH disparaissait à l'âge adulte, ce qui a considérablement entravé le parcours diagnostique. Les professionnels de santé de première ligne, souvent mal informés sur le TDAH chez l'adulte, ne suggéraient pas d'évaluation. Le système éducatif, quant à lui, ne détectait pas le TDAH chez les filles et les jeunes femmes, car elles ne correspondaient pas aux critères établis.
Dans mon cas, je n'étais pas perturbatrice en classe. Au contraire, je déployais des efforts considérables pour réprimer mon hyperactivité et me conformer à l'idéal de la petite fille silencieuse, docile et attentive. Ainsi, je ne répondais pas aux attentes en matière de comportement pour être orientée vers une évaluation. Heureusement, la sensibilisation chez l'adulte s'est considérablement améliorée depuis mon diagnostic.
-
Vous avez consacré votre podcast et votre livre aux expériences des femmes atteintes de TDAH. Qu'est-ce qui vous a incitée à vous concentrer sur ce groupe démographique particulier ?
Lorsqu'on m'a initialement suggéré un possible TDAH, les informations disponibles en ligne ne résonnaient pas avec mon expérience. Ce n'est qu'en ajoutant le mot "femme" à mes recherches que j'ai découvert des articles révélateurs, suffisamment pour comprendre que les symptômes se manifestent différemment chez les femmes et les filles. Les descriptions de ces articles reflétaient enfin mon vécu.
En approfondissant mes recherches, j'ai constaté que les critères diagnostiques et la majorité des études, en 2021, étaient encore largement basés sur des cas masculins blancs. Les directives du NICE* pour les professionnels de santé n'ont intégré les spécificités du TDAH chez les filles et les femmes qu'en 2018. J'étais indignée ! L'idée d'être invisible à cause de mon genre était révoltante.
J'ai compris que les attentes sociales en matière de comportement jouaient un rôle crucial. Les filles ont tendance à intérioriser leurs symptômes et à les dissimuler pour se conformer.
Bien que la situation se soit améliorée ces quatre dernières années, avec une meilleure compréhension des différences entre les sexes et un ratio de diagnostic adulte hommes-femmes presque égalitaire, nous évoluons toujours dans un espace majoritairement masculin. C'est pourquoi j'ai souhaité partager des recherches et des expériences spécifiques aux femmes et aux personnes assignées femmes à la naissance (AFAB).
Je me reconnais rarement dans les expériences masculines, et je pense que d'autres femmes partagent ce sentiment. Nous avons souvent l'impression d'être à la fois "insuffisantes" et "excessives", luttant pour nous conformer à des normes sociales plus strictes pour les femmes. Ces intersections doivent être intégrées à la conversation pour comprendre pleinement nos expériences.
-
Pour une personne récemment diagnostiquée ou qui soupçonne un TDAH, quelles démarches pratiques recommanderiez-vous pour mieux comprendre ses symptômes et commencer à chercher du soutien ? Y a-t-il des ressources spécifiques que vous suggéreriez ?
Le point de départ essentiel est toujours une consultation avec un médecin généraliste. Les symptômes que vous attribuez au TDAH peuvent en réalité être le reflet d'autres conditions. Un avis spécialisé est donc indispensable pour obtenir une évaluation rigoureuse et un diagnostic précis, garantissant ainsi une prise en charge adaptée.
Dans cette optique, j'ai conçu mon livre et mon podcast comme des outils complémentaires à ce processus, visant à briser l'isolement et à offrir un soutien aux personnes en quête de réponses. Il est crucial de souligner la diversité des manifestations du TDAH, qui varient considérablement d'un individu à l'autre. Lors de vos recherches, gardez à l'esprit les nombreuses intersections qui influencent l'expérience du TDAH, telles que le genre, l'âge, et les autres conditions neuro-atypiques.
N'oubliez pas également les trois présentations cliniques du TDAH : inattentif, hyperactif et combiné. Une compréhension claire de ces distinctions est fondamentale. Enfin, prudence face à la désinformation, particulièrement répandue sur les réseaux sociaux. Privilégiez toujours les sources fiables et vérifiées pour éviter de vous égarer dans un flot d'informations trompeuses.
*Le NICE (National Institute for Health and Care Excellence) est un organisme public en Angleterre qui fournit des directives cliniques, des recommandations et des conseils basés sur des preuves scientifiques afin d'améliorer la qualité des soins de santé.