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Article: Quand l'art prend vie sur les murs : Rencontre avec Alix d'Anselme, artiste muraliste

Quand l'art prend vie sur les murs : Rencontre avec Alix d'Anselme, artiste muraliste
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Quand l'art prend vie sur les murs : Rencontre avec Alix d'Anselme, artiste muraliste

Les murs de nos villes font partie de notre quotidien. Parfois anonymes et gris, ils se fondent dans le décor. D’autres fois, ils explosent de couleurs et transforment l’espace en une galerie à ciel ouvert. Peints, dessinés, sculptés, ils deviennent des supports d’expression qui interpellent, émeuvent ou émerveillent.

Parmi ces formes d’art urbain, deux approches se distinguent : le street art et le muralisme. Si le premier est souvent associé à des interventions spontanées, parfois clandestines, jouant avec les codes de la rue pour provoquer ou questionner, le second s’inscrit davantage dans une démarche collaborative et durable. Le muralisme transforme les espaces publics, les écoles, les hôpitaux ou les commerces, apportant une touche de vie et d’humanité aux lieux du quotidien. Comme le disait Eugène Delacroix, "La couleur est par excellence un moyen de bonheur." Les muralistes en sont la parfaite illustration, insufflant de la joie et de la poésie là où l’on ne les attend pas.

C’est précisément cette mission qui anime Alix d'Anselme, dont les fresques lumineuses et expressives métamorphosent des lieux aussi divers que des écoles primaires, le Palais de la Femme ou encore l’Hôpital Necker. À travers son travail, elle fait de chaque mur une invitation à l’évasion et à la contemplation, rendant l’art accessible à tous.

Dans cette interview, Alix nous offre un regard sincère et inspirant sur son approche artistique. Elle nous parle de l'impact de l’art sur la société, des réalités de son métier de muraliste et de l’importance des pratiques artistiques dans notre quotidien.

 

  1. Vous avez débuté votre carrière en tant que graphiste. Qu'est-ce qui vous a amenée à vous orienter vers le muralisme, un changement assez significatif ?

Après des études en école d'art à Paris, j’ai commencé ma carrière en tant que graphiste créant des identités graphiques pour des petites et moyennes entreprises. L’illustration est rapidement devenue une extension naturelle de mon travail, apportant une touche personnelle à mes projets. 

En 2020, pendant le confinement, j’ai remis en question de nombreux aspects de ma vie, notamment mon quotidien professionnel. La vie derrière l’écran ne me satisfaisait plus, j’avais envie de faire quelque chose de mes mains. 

En octobre de la même année, un ami à Barcelone, m’a demandé de peindre les portes de ses bureaux, situés dans le quartier de Gracia, où je résidais à l’époque. 

J’ai évidemment sauté sur l’occasion, et ce projet a marqué un vrai tournant dans mon parcours : je voulais en faire mon métier. 

Je me suis dit que c’était une suite logique à ce que je faisais déjà, il suffisait simplement de changer de support, en remplaçant l’écran ou le carnet de croquis par un mur ! 

2) Pourriez-vous nous parler de votre amour pour la couleur, des formes que vous utilisez et des inspirations qui nourrissent votre travail ?

C’est assez évident quand on découvre mon travail : j’adore la couleur ! Une grande partie de mes dessins puise son inspiration dans mes expériences de vie. J’ai vécu cinq ans dans des pays hispanophones (Argentine et Espagne), où la couleur est omniprésente, que ce soit dans la rue ou à l’intérieur des maisons.

L’humain m’inspire aussi beaucoup, dans ses actions et ses expressions, c’est pourquoi mes illustrations sont souvent figuratives et expressives, avec des personnages ou des animaux en action.

 

3) Vous intégrez un aspect participatif à vos projets. Comment impliquez-vous les élèves et les habitants dans la création de vos fresques collectives ? 

L’aspect participatif de mes projets est une dimension que j’apprécie particulièrement. Après sept années de freelance à travailler seule chez moi, l’interaction humaine m’a cruellement manqué. Devenir muraliste m’a permis de retrouver ce lien, et j’essaie, sur presque chaque projet, de partager l’expérience de la peinture.

J’ai ainsi organisé plusieurs ateliers ouverts aux enfants et aux adultes. Au-delà de l’aspect ludique, ces ateliers permettent aux participants de s’approprier l’espace et de s’impliquer pleinement dans le projet. Dans les écoles, par exemple, les fresques collectives laissent une empreinte forte sur les élèves : ils sont fiers et heureux de contribuer à une œuvre qui fera partie de leur quotidien. 

 

4) Dans un monde où le numérique prend une place grandissante, pourquoi pensez-vous qu’il est essentiel de préserver et d’encourager les pratiques artistiques manuelles, aussi bien chez les enfants que chez les adultes ?

Je suis convaincue que les activités manuelles sont essentielles au développement de la créativité sous toutes ses formes. Récemment, lors d’un atelier, un adolescent m’a confié : « Ça me vide la tête, c’est tellement mieux que de réviser mon bac. Mais je ne savais pas que peindre des murs pouvait être un vrai métier ! » Son intérêt sincère pour la peinture m’a beaucoup touchée. Les métiers créatifs sont encore trop souvent négligés dans les cursus scolaires, alors qu’ils mériteraient d’être davantage valorisés.

Les enfants, en particulier, sont toujours enthousiastes à l’idée de participer à des ateliers créatifs. Je suis convaincue que ces expériences stimulent bien plus leur imagination que des heures passées devant un écran. Les adultes, en revanche, hésitent souvent à se lancer, par peur de ne pas savoir faire ou par manque d’habitude. Pourtant, une fois le pinceau en main, je n’ai jamais eu de retour négatif. Les réactions sont presque toujours les mêmes : « Je ne pense plus à rien, j’adore », « Je ne pensais pas en être capable » ou encore « Ça me donne envie de repeindre la chambre de mon fils ! »

En septembre 2023, j’ai organisé un atelier avec des jeunes en situation de handicap moteur. Malgré leurs difficultés à contrôler leurs mouvements, ils ont pris un immense plaisir à peindre et à s’exprimer librement. 

C’est toute la magie des activités créatives : elles offrent un espace de liberté, de détente et d’accomplissement accessible à tous.

5) L’art suscite parfois des débats et des controverses, comme cela a été le cas avec certaines séquences de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Pensez-vous que l’art doit toujours provoquer une réaction, ou peut-il aussi simplement être une source de joie et d’émerveillement ?

C’est un sujet très intéressant, et il y aurait beaucoup à dire. Pour moi, l’art, c’est avant tout la liberté d’exprimer ce que l’on veut, sur n’importe quel sujet. Le message de l’artiste doit atteindre son but en provoquant une émotion, quelle qu’elle soit. Toutefois, lorsqu’un artiste est mandaté par un client, comme c’est mon cas, il fait souvent face à des contraintes liées à la commande. Je dois respecter certaines règles et, surtout, satisfaire mon client. Je ne me considère donc pas comme une artiste totalement libre, comme pourrait l’être un peintre qui vendrait des toiles dans un atelier, par exemple.

Je pense que mon art est plutôt “sage”, à l’image de ma personnalité. Je ne suis pas de nature très revendicative et je souhaite avant tout transmettre dans mes projets de la joie et de la "buena onda", comme on dit en espagnol.

En revanche, je trouve admirable que certains artistes se servent de l’art pour revendiquer des causes, bousculer les codes ou faire passer des messages à la société.

 

6) La vie d’artiste, et particulièrement celle du muraliste, peut sembler très inspirante et pleine de liberté. Cependant, quelles sont, selon vous, les réalités moins visibles de ce métier, et quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui rêve de suivre cette voie ?

J’adore ma vie de muraliste, et je suis aujourd’hui heureuse de me lever chaque jour pour travailler. C’est une véritable passion. Cependant, comme dans beaucoup de métiers, il existe des contraintes liées à ce mode de vie.

La première est l’intensité physique. Il m’arrive de travailler plusieurs semaines sans jour de pause sur de gros chantiers, ce qui met mon corps à rude épreuve. Les conditions de travail sont souvent similaires à celles des ouvriers du bâtiment : plongée dans la poussière, port de lourdes charges de peinture, montées et descentes sur échafaudages, travail le week-end ou parfois la nuit. Heureusement, tous les chantiers ne sont pas aussi éprouvants, mais cela reste un aspect à prendre en considération si l’on souhaite devenir muraliste.

La deuxième contrainte concerne la gestion de l’auto-entrepreneuriat. Trouver des clients, gérer un projet de A à Z, facturer et s’occuper d’une part importante de la comptabilité, tout en équilibrant son emploi du temps pour trouver des moments de repos, peut parfois être un vrai défi.

Enfin, il faut être prêt à voyager, car les projets ne se concentrent pas toujours dans un même quartier ou une même ville. Il faut accepter de passer plusieurs jours loin de chez soi et voir cela comme une occasion de découvrir de nouveaux lieux. Personnellement, j’adore cette dimension, mais ce n’est pas pour tout le monde.

 

7) Enfin, si vous pouviez réaliser une fresque sur n’importe quel bâtiment ou monument, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

J’ai tellement de rêves en tête qu’il est difficile de choisir. En trois ans, les projets que j’ai réalisés ont largement dépassé mes attentes, et j’aime cette idée de laisser une place à la surprise et de faire confiance au destin pour l’avenir.

Si je devais répondre à la question, je dirais que j’aimerais beaucoup réaliser davantage de projets dans le monde de la restauration. Un restaurant est un lieu de partage, une pause dans la journée, un moment de retrouvailles, de rires, de rencontres, où l’ambiance est essentielle. J’aimerais travailler à la fois sur l’identité et l’univers du lieu, peut-être même en collaborant avec des studios d’architecture. J’ai aussi de nombreux autres projets en tête, comme des tiers-lieux, des salles de concerts, des bars, des cafés… Tous ces espaces de partage m’inspirent énormément.

Je souhaite également continuer à réaliser des projets associatifs, même si cela ne me permet pas toujours de couvrir mes frais. Mon objectif est de partager l’art dans les endroits où il est le plus nécessaire. Par exemple, je cherche actuellement à peindre une fresque dans une maison de retraite, ce qui serait une belle occasion d’apporter un peu de joie dans un lieu qui en a grandement besoin.

https://www.alixillustration.com

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