Article: Un hymne à la vie et à notre planète - Rencontre avec l'artiste et navigateur Jean-Noël Duchemin
Un hymne à la vie et à notre planète - Rencontre avec l'artiste et navigateur Jean-Noël Duchemin
Jean-Noël Duchemin est un artiste français à l’univers singulier et vibrant, qui a réalisé les magnifiques illustrations de notre jeu Math’moi ça. Il est passionné de voile et du monde marin, qui influencent son art. Aussi, en cette Semaine Européenne du Développement durable, il est tout naturel d’échanger avec lui et recueillir son point de vue en tant qu’artiste, amoureux de la mer et sensible à l’écologie.
Quel est votre rapport avec le monde marin, en tant qu’artiste ?
Ces deux univers s’interpénètrent totalement. Tout ce que je peux vivre sur l’eau, sous l’eau, au cours de mes voyages en voilier, on le retrouve dans mon travail artistique. Et ce sont mes réalisations qui me permettent de repartir naviguer. C’est une espèce de boucle continuelle qui me nourrit dans tous les sens du terme. C’est pour cela que j’aime bien citer la phrase de Robert Filliou : « l’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ».
Pour ceux qui vous découvrent, comment s’exprime l’univers de la mer concrètement dans votre travail ?
De prime abord, les poissons sont omniprésents (dans pratiquement la majorité de mes réalisations d’ailleurs). Mon travail reste figuratif, mais c’est de la figuration libre. Je ne m’attache pas à représenter la réalité. C’est plus un monde onirique, coloré, qui tourne autour de ces ambiances marines. Après il y a parfois des digressions terrestres mais je reviens souvent à ce sujet principal de la mer.
Vous avez toujours été très sensible au respect de la planète et à l’écologie. Dès l’adolescence c’était un sujet important pour vous.
Effectivement, ça a toujours été présent. Je me souviens qu’à l’époque je lisais La gueule ouverte qui était un journal écologiste. Tout était déjà écrit. Malheureusement, on est 40-50 ans plus tard et on paie les conséquences. Ils écrivaient que toutes les activités agricoles et humaines allaient nous mener droit dans le mur et qu’il fallait qu’on change nos modes de fonctionnement, qu’il fallait vraiment nous ressaisir (pour permettre aussi un meilleur partage des ressources de la planète), ne pas continuer à consommer et polluer à outrance… On le voit bien ici. On vit dans une région merveilleuse et plutôt protégée qui est le Cap Sizun. Mais ça reste, tout comme la Bretagne en général, un lieu de forte activité agricole, avec une grande pollution de nitrates et des rejets exponentiels, qui continue toujours malgré les avertissements et les prises de décisions diverses. Et pour autant, on observe que les exploitations s’agrandissent d’années en années et vont toujours vers plus d’intensif.
Dans votre travail, vous avez aussi une démarche écologique, dans la mesure où vous recyclez certains matériaux.
Dans tout ce que j’utilise, j’essaie au maximum de fonctionner avec des matériaux de récupération. Les plus emblématiques dans mon travail sont les éléments de bateaux de compétition en composite carbone, qui autrement ne sont pas recyclés. Je les utilise en supports pour des œuvres et je trouve que c’est un matériau extrêmement séduisant. Je leur permets d’avoir une seconde vie et d’éviter qu’ils soient fragmentés en petits bouts et enfouis dans une déchetterie.
Comment utilisez-vous votre art pour sensibiliser au respect de la biodiversité et de la planète ?
Je pense que dans ma démarche picturale, il y a déjà la forte présence de couleurs toniques, qui rendent un hommage à la vie perpétuellement. C’est ma façon de sublimer ce que j’estime beau et agréable à vivre, d’aller dans un sens qui serait l’envers des fumées nocives, de la grisaille et de la peur... J’essaie de sensibiliser, par le biais de cet hymne à la vie, à l’importance qu’il existe de la préserver. En tout cas, c’est ma forme d’engagement et de partage sur le sujet.
Nous sommes en pleine Semaine européenne du Développement Durable. Quelles actions écologiques avez-vous trouvé particulièrement efficaces, ces dernières années ?
Globalement, j’apprécie assez les actions de Greenpeace. Leur mode de fonctionnement est totalement dégagé de toutes subventions de l’État, de structures privées et ça leur donne une grande indépendance. Ils sont assez pertinents dans leur mode d’action qui est militante. Je n’ai pas une âme de militant mais je regarde quand même avec admiration ce type de comportement, qui n’est pas toujours facile à endosser.
Mais il n’y a pas qu’eux, il y a aussi toutes les actions individuelles que peuvent prendre des personnes qui ont une destinée d’ingénieurs ou autres, dans une structure industrielle, et qui larguent tout pour se mettre à faire du maraîchage ou vivre en harmonie avec la nature. C’est un retour à quelque chose de plus simple. Ce sont vraiment des choix de vie compliqués à mener mais qui sont primordiaux.
Il y a aussi une association s’appelant Bloom qui alerte sur les méthodes de pêche détruisant la planète. Récemment en Europe, dans la Manche, il y avait la velléité d’électrifier les poissons de manière sous-marine pour les pêcher. L’association a réussi à empêcher par son action que ça devienne la méthode de pêche utilisée par tout le monde et ça semble avoir été stoppé.
Vous habitez sur le littoral breton et vous êtes souvent en mer. Avez-vous vu évoluer les océans au fil des années ?
Oui, je l’ai fortement ressenti au cours de chaque voyage. Une fois, j’ai convoyé un bateau des Antilles vers la mer Méditerranée. J’avais navigué une journée par un calme plat complet. L’eau était complètement lisse et on voyait par transparence assez loin sous le niveau de la mer. Au début j’ai cru que je naviguais sur un banc de méduses et en fait c’étaient des centaines de milliers de sacs plastiques qui, de la surface au plus loin que je pouvais voir, dérivaient. C’était un spectacle vraiment effrayant. Aujourd’hui, on estime qu’au moins la moitié de nos productions plastiques partent dans les océans… Ça devient un enjeu de santé pour les animaux et même pour l’homme puisqu’on retrouve des nanoparticules de plastique dans notre nourriture.
Comment l’univers marin est-il présent dans le jeu Math’moi ça, que vous avez illustré ?
Pour commencer, c’est une déclinaison de mes poissons Z qui se sont retrouvés avec des pattes et deux yeux, qui pourrait aussi faire penser à des poissons plats qui vivent sur les fronts de mer ou des tortues marines.
Et concernant les chiffres que j’ai représentés sur les cartes du jeu… je suis toujours impressionné par tout ce qui est lié à l’art populaire. En Bretagne, pas très loin de là où j’habite, il y a une ville emblématique de la pêche qui s’appelle Douarnenez. Il y avait de nombreux bateaux qui pêchaient la sardine dans cette baie. Ces derniers avaient tous un numéro de matricule inscrit sur leur flan, des fois gravé et peint, ou parfois simplement peint. C’était un numéro qu’on retrouvait partout sur les objets usuels des marins. Ces chiffres s’appellent des chiffres à moustache. Suivant les ports, ils changeaient un peu de graphisme. Pour le jeu Math’moi ça, j’ai rendu hommage à ce mode d’expression populaire, dont le graphisme m’a toujours séduit. Les pêcheurs disaient même qu’il y avait certains chiffres qui étaient pêchants et d’autres pas. Donc parfois, ils se battaient pour avoir un numéro spécial sur leur chaloupe.
Pour retrouver notre jeu mathématique Math'moi ça, c'est ici