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Une plateforme pour la diversité et le patrimoine artisanal - Rencontre avec Jo Sealy de The Black Artisans

Article: Une plateforme pour la diversité et le patrimoine artisanal - Rencontre avec Jo Sealy de The Black Artisans

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Une plateforme pour la diversité et le patrimoine artisanal - Rencontre avec Jo Sealy de The Black Artisans

À l’heure où la production de masse domine le marché, un nombre croissant de consommateurs se tourne vers l’artisanat, en quête d’authenticité et de sens. Chaque pièce façonnée à la main raconte une histoire, imprégnée du savoir-faire et de la passion de son créateur.

Mais au-delà de l’esthétique, cet engouement traduit une volonté plus profonde : celle de valoriser la durabilité, le patrimoine et la connexion humaine qui se cachent derrière chaque objet. De la décoration d’intérieur aux bijoux faits main, la demande pour des créations uniques ne cesse de croître, tandis que les ateliers de bricolage et de création encouragent de plus en plus d’amateurs à redécouvrir les techniques artisanales traditionnelles.

Au cœur de ce renouveau, les artisans noirs perpétuent et réinventent des savoir-faire ancestraux africains, caribéens et afro-américains – du tissage du kente aux bijoux perlés, en passant par la sculpture sur bois et la céramique raffinée. Leurs œuvres incarnent résilience, héritage et identité culturelle. Pourtant, malgré leur talent, nombre d’entre eux peinent encore à se faire une place dans les industries créatives dominantes, confrontés à des défis liés à la visibilité et à l’accès aux opportunités.

C’est pour répondre à ce défi que The Black Artisans a vu le jour en 2021 à Londres, sous l’impulsion de la photographe et consultante en marketing Jo Sealy. Ce qui n’était au départ qu’une exposition photographique s’est transformé en une plateforme nationale, offrant un espace de reconnaissance et de valorisation aux artisans noirs. En alliant narration et engagement, le projet met en lumière leur savoir-faire tout en questionnant le manque de diversité dans le secteur de l’artisanat.

Dans cette interview, Jo nous dévoile l’inspiration derrière The Black Artisans, l’importance de préserver les métiers du patrimoine et les actions concrètes mises en place pour ouvrir de nouvelles perspectives aux créateurs noirs, au Royaume-Uni et au-delà.

 

  1. Quelles sont les inspirations derrière ce projet ?

Au quotidien, je travaille comme consultante en marketing auprès de professionnels de la création, et très vite, j’ai ressenti le besoin de mettre en valeur les incroyables artisans noirs que je rencontre régulièrement grâce à mon travail. En parallèle, ma pratique de la photographie, que ce soit à travers mes propres projets ou des commandes, m’a poussée à entreprendre ce projet, qui me semblait essentiel.

J’ai constaté que les artisans noirs manquaient de visibilité dans les circuits traditionnels. Leur savoir-faire, leur processus créatif et la beauté de leur travail méritaient d’être mieux connus. Mon objectif était de les faire découvrir à un public plus large – amateurs, passionnés ou étudiants – afin qu’ils puissent s’inspirer de leurs expériences et se projeter dans ces métiers, sans avoir l’impression que cet univers leur était inaccessible.

Grâce à mon réseau et aux contacts établis au fil du temps, j’ai pu réunir une première sélection d’artisans relativement facilement. Pour d’autres, il s’agissait d’artistes que j’admirais et que j’ai contactés via leurs sites web ou les réseaux sociaux. Une fois que je leur ai expliqué la vision du projet et son importance, beaucoup ont accepté avec enthousiasme d’y participer.

Les 26 premières photographies ont été réalisées début 2021 et l’exposition inaugurale a eu lieu en septembre de la même année à la Wm Morris Gallery, dans l’est de Londres.

 

  1. Comment sélectionnez-vous les artisans présentés dans l'exposition ? Y a-t-il des histoires ou des artisanats qui vous ont particulièrement marqué ?

Au départ, les artisans que j'ai choisis étaient soit des personnes que je connaissais personnellement, soit des artisans que j'admirais et que j'ai contactés directement pour leur proposer de participer au projet. Mon critère principal de sélection était que ces artisans soient pleinement établis, en tirant leurs revenus exclusivement de leur pratique, que ce soit à travers la fabrication, l'enseignement ou l'utilisation de leurs compétences artisanales de manière professionnelle.

Cependant, au fur et à mesure que le projet a évolué, j'ai eu l'opportunité de rencontrer de jeunes artisans talentueux en début de carrière, que j'ai également inclus dans cette collection en expansion. C'est une grande richesse d'être témoin de leur parcours et de les voir intégrer cet univers.

J'ai particulièrement cherché à inclure des artisans bien établis, reconnus dans leurs domaines respectifs, qui exercent depuis de nombreuses années. Par exemple, Chris Bramble, un céramiste diplômé de la Glasgow School of Art, dont le travail est profondément influencé par la sculpture européenne et l'artisanat africain. Il a réussi à transformer sa pratique en une véritable carrière, avec des galeries qui le représentent et une école où il forme de nouveaux créateurs à la technique de la céramique.

Un autre artisan qui m'a particulièrement marquée est Marcia Bennett-Male, l'une des rares femmes maçonnes noires au Royaume-Uni. Son travail, souvent axé sur des projets liés à la cuisine, est fascinant, mais c'est surtout l'importance historique de ses commandes publiques qui m’a frappée. Elle a notamment travaillé sur des sites historiques emblématiques du Royaume-Uni, marquant ainsi son empreinte dans le patrimoine architectural du pays.

 

  1. Le projet met en avant des savoir-faire artisanaux variés, allant de la fabrication des "steel pans", instruments de percussion caribéens, à l’art de la calebasse. Qu’est-ce qui a motivé ce choix d’une telle diversité de disciplines ?

Il était primordial pour moi que ce projet reflète la diversité du monde qui m’entoure et celui que je sais être présent, même s’il est souvent invisibilisé. Ce choix est aussi influencé par mon propre parcours et mes racines, profondément ancrées dans les traditions artisanales africaines et caribéennes.

Beaucoup de ces savoir-faire ne sont pas seulement sous-représentés, ils sont aussi largement sous-estimés, parfois même par les artisans eux-mêmes. En les intégrant dans ce projet, je voulais leur offrir la reconnaissance qu’ils méritent et contribuer à leur valorisation. De plus, il est essentiel que la communauté artisanale britannique dominante prenne conscience de ces pratiques culturelles et les considère à leur juste valeur. Une meilleure compréhension de ces artisanats non eurocentrés permet d’élargir la perception du patrimoine artisanal et de célébrer pleinement la richesse et la diversité des créateurs noirs britanniques.

 

  1. Depuis le lancement de ce projet et lors de vos échanges avec les artisans, quels sont les principaux défis auxquels ils sont confrontés aujourd’hui ? 

Au fil de mes conversations avec ces artisans, plusieurs défis majeurs sont apparus. L’un des principaux obstacles est le manque d’accès aux informations et aux ressources qui pourraient les aider à développer leur activité, que ce soit en matière de perfectionnement des compétences ou de gestion d’entreprise.

Beaucoup expriment également un sentiment d’exclusion vis-à-vis de certaines communautés artisanales, ou bien ils n’ont pas accès aux bons réseaux pour être informés des opportunités existantes. À cela s’ajoutent les défis communs à de nombreuses petites entreprises : générer des ventes, comprendre leur marché et savoir comment le toucher efficacement.

Bien que certaines organisations et réseaux d’artisans s’efforcent de promouvoir davantage de diversité, ils restent souvent limités par des approches traditionnelles ou des contraintes liées aux financements qu’ils reçoivent.

C’est dans ce contexte que The Black Artisans a évolué de manière organique, devenant une véritable plateforme de partage. Grâce à ce réseau, j’ai pu mettre en lumière des initiatives passionnantes et diffuser des opportunités issues du secteur traditionnel, permettant ainsi à davantage d’artisans noirs d’y accéder et d’en bénéficier. Mon objectif est que ce projet contribue à ouvrir des portes, à renforcer la visibilité des créateurs noirs et à encourager une reconnaissance plus large de leurs talents.

 

  1. Alors que The Black Artisans continue de se développer, quels sont vos projets pour l’avenir ? Y a-t-il de nouveaux éléments que vous aimeriez introduire ?

Il y a tant de choses que j’aimerais accomplir ! Tout d’abord, je souhaite réaliser de nouveaux portraits afin d’atteindre un total de 50 artisans représentatifs de la communauté (nous en sommes actuellement à 36). Je recherche notamment un forgeron, un horloger/réparateur ainsi que des artisans pratiquant des savoir-faire culturels comme la vannerie, le quilting ou le perlage.

Parallèlement, je travaille sur un calendrier d’expositions pour 2025/26 et suis en discussion avec plusieurs lieux à travers le Royaume-Uni – notamment en Cornouailles, en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande – afin d’intégrer l’exposition et les ateliers éducatifs qui l’accompagnent à leurs futurs programmes.

Enfin, j'espère lancer un livre sur le projet au printemps 2026, qui présentera tous les artisans, partageant leurs parcours et leurs expériences. J'espère qu'il deviendra un point de référence utile pour ceux qui cherchent à apprécier les belles œuvres créées par les artisans et à explorer de nouvelles façons d'explorer leur créativité.


  1. Que diriez-vous à toutes les personnes inspirées par l'exposition et qui souhaitent approfondir leur exploration des artisanats du patrimoine ?

Je leur conseillerais de commencer par explorer les ateliers et les cours disponibles en lien avec leurs centres d’intérêt. Il existe de nombreuses associations, guildes et réseaux dédiés à presque tous les types d’artisanat, il suffit de se renseigner en ligne pour découvrir les formations proposées, ainsi que les subventions et financements qui peuvent les soutenir. Si un artisan en particulier les inspire, il ne faut pas hésiter à le contacter pour lui demander une expérience professionnelle ou un stage. C’est une excellente façon d’apprendre directement auprès d’un expert et de s’immerger dans le processus créatif.

 

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